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Faisabilité : anticiper les blocages avant même de dessiner le projet

  • Théo Finocchiaro
  • 30 sept.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 21 oct.

Un projet réussi commence souvent bien avant la première esquisse. L’étude de faisabilité urbaine permet d’identifier les contraintes invisibles : servitudes, zonages, avis ABF ou risques naturels. Cet audit précoce conditionne la viabilité technique, juridique et financière du futur projet.


Du terrain au droit : lire le sol avant de construire

Chaque parcelle raconte une histoire. Derrière un simple terrain nu se cache un empilement de règles, de contraintes et de précédents administratifs. Le Code de l’urbanisme (article L.421-6) rappelle que "nul ne peut entreprendre de travaux sans avoir vérifié la conformité du projet aux règles d’utilisation des sols". Autrement dit, avant de tracer la moindre ligne, il faut comprendre ce que le sol autorise, et ce qu’il interdit. Tout travaux, qu’ils soient soumis ou non à autorisation, doivent respecter le PLU : la dispense de formalité n’exonère jamais du respect des règles, car en matière d’urbanisme comme ailleurs, "nul n’est censé ignorer la loi".

La constructibilité ne dépend pas seulement du zonage indiqué sur le plan local d’urbanisme (PLU ou PLUi) : elle résulte de la combinaison de plusieurs couches réglementaires. Certaines sont évidentes (hauteur, emprise, stationnement), d’autres beaucoup moins. Une servitude de passage oubliée, une canalisation enterrée, un périmètre de protection autour d’un monument historique, et tout l’équilibre du projet peut s’effondrer.


Les “pièges” du projet

L’erreur la plus fréquente n’est pas d’ignorer la règle, mais de la sous-estimer. Dans bien des cas, les blocages ne proviennent pas du PLU lui-même, mais de ce qui gravite autour :

  • Le périmètre ABF (Architecte des Bâtiments de France) : il peut imposer des prescriptions sur les matériaux, les teintes, les hauteurs ou même les clôtures. Une simple fenêtre mal orientée suffit à provoquer un avis défavorable.

  • Les risques naturels et technologiques : mouvement de terrain, inondation, zone sismique, PPRT... Ces contraintes se superposent et réduisent parfois la surface réellement constructible.

  • Les alignements et accès : une voie publique non classée ou un accès trop étroit rend un projet inconstructible, quelle que soit la qualité du dessin.

  • L’assainissement : l’absence de réseau collectif ou la non-conformité d’un dispositif individuel entraîne souvent un surcoût majeur, voire un refus pur et simple.

Ces éléments ne figurent pas toujours dans le règlement du PLU. Ils relèvent des annexes, des servitudes d’utilité publique ou des règlements spécifiques. C’est tout l’enjeu d’une lecture croisée, entre droit, technique et géographie.


L’audit de faisabilité, mode d’emploi

Une étude de faisabilité urbaine ne se résume pas à cocher des cases. C’est un travail d’enquête. La démarche commence par l’analyse du règlement écrit et graphique, puis s’élargit à l’ensemble des documents d’urbanisme applicables : servitudes, zonage, annexes sanitaires, plans de prévention des risques, cartes cadastrales et documents d’assiette foncière.


Vient ensuite la confrontation à la réalité du terrain : topographie, végétation, altimétrie, voirie, accès pompiers. Les outils numériques, cartes SIG, géoportails, bases de données publiques, complètent l’analyse mais ne remplacent pas l’œil du praticien.


Enfin, une synthèse réglementaire détermine ce qui est faisable immédiatement, ce qui pourrait l’être sous conditions (dérogations, ajustements) et ce qui ne le sera pas. Cet audit constitue la première assurance du maître d’ouvrage : il évite de bâtir sur une hypothèse.


Étude de cas : un projet sauvé grâce à une relecture réglementaire

Sur une petite commune littorale, un propriétaire prévoyait d’aménager deux logements sur une parcelle en zone urbaine. Le PLU semblait favorable, mais le service instructeur s’était opposé au projet, invoquant un manque d’accès réglementaire. Une relecture du plan de zonage et du règlement a révélé qu’une servitude publique d’accès, instaurée dans un ancien plan d’alignement, restait juridiquement valable. En la réintégrant dans le plan de masse, le projet redevenait conforme au Code de l’urbanisme. Le permis a été accordé sans recours.


Ce cas illustre l’importance d’un diagnostic précis : l’urbanisme n’est pas une affaire de chance, mais de méthode.


Conclusion

La faisabilité urbaine, trop souvent considérée comme une formalité, est en réalité un outil stratégique. Elle traduit sur le papier une vérité simple : construire, c’est d’abord composer avec le sol, la loi et le temps. Anticiper ces contraintes, c’est déjà bâtir avec intelligence et sans précipitation.



 
 
 

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